Celui qui était bloqué dans la laverie ;; Kaleigh&andrix

Celui qui était bloqué dans la laverie
Kaleigh&Andrix

Celui qui était bloqué dans la laverie ;; Kaleigh&andrix Img-141029wq2fh

attention ne pas fermer, la porte ne s’ouvre que de l’extérieur

« SOS – Besoin de toi dans la laverie de ton immeuble – Vite !!!

»

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- BECAUUUUUUUUUUSE THE NIGHT BELONGS TO LOVERS, BECAUSE THE NI...

"Bzzz.. Bzzzz... Bzzzz"."Bzzz.. Bzzzz... Bzzzz". Heureusement que j'avais les yeux rivés sur mon portable à l'instant précis où celui-ci s'était mis à vibrer car, le cas échéant, je n'aurais probablement pas remarqué que j'avais reçu un message avant de longues minutes, voire heures. En effet, ce n'est pas évident de déceler le bruit d'un vibreur lorsqu'on écoute de la musique à fond et qu'en plus, on beugle par dessus. Je reposai donc la bouteille de soude caustique qui me servait de micro et attrapai mon téléphone. Pourquoi diable étais-je en train de chanter du Bruce Springsteen dans une bouteille de bases? Parce que je me faisais chier. Et pourquoi diable me faisais-je chier? Parce que j'étais en repos forcé. Et pourquoi diable étais-je (oui c'est bon, ta gueule). J'avais été éjectée du bureau suite à un incident technique. Une famille entière de rats aurait bouffé la moitié des fils électriques de mon coin de l'open space. Une fois chez moi, ne sachant comment m'occuper, j'avais décidé de faire le ménage. Et quand je faisais le ménage, je ne prenais pas les choses à la légère. Très concernée par les risques chimiques et les accidents domestiques, je m'affublais à chaque fois de multiples accessoires de protection qui me donnaient l'air d'une scientifique tout droit sortie des laboratoires de Merck & Co. Aujourd'hui, j'avais décidé de voir minimaliste et n'avais enfilé qu'une paire de gants jaunes ainsi que des vieilles lunettes de TP datant de l'époque du lycée. J'avais trop la classe. Soit. Au bout de quelques minutes d'astiquage au rythme de ma playlist "C'est du propre", je décidai de déboucher deux trois éviers. Arrivée au dernier, n'arrivant plus à réouvrir la soude caustique à cause de cette saloperie de sécurité enfant, je m'étais mise à chanter dedans. Normal, quoi. Et j'avais continué jusqu'à cette interruption.

Encore frustrée d'avoir été coupée dans mon élan artistique, je saisis mon portable et consultai mon nouveau message. Ça n'avait pas intérêt à être un vieux SMS de mon opérateur me disant que le tout nouveau jeu "Tape sur les marmottes avec ton doigt" était disponible et que je devais le télécharger d'urgence si je ne voulais pas être out lundi devant la machine à café. Finalement, c'était mon frère. « SOS – Besoin de toi dans la laverie de ton immeuble – Vite !!! ». Je me mis aussitôt à flipper comme une folle. Qu'est-ce qu'il foutait dans ma laverie et pourquoi avait-il l'air aussi... paniqué? Certes, il n'avait pas fait de fautes d'orthographe mais il avait mis trois points d'exclamation après le "vite"! Peut-être qu'il était coincé dans une machine à laver, qu'il s'était coupé le doigt en le mettant à un endroit bizarre ou, pire, qu'il s'était fait séquestrer par le gars bizarre du troisième étage! On entendait toujours des bruits étranges derrière sa porte. J'attrapai la bouteille de soude d'une main et un couteau de cuisine de l'autre, puis me précipitai sur la porte d'entrée. Avant de sortir, je me mis à gueuler:

- Zelinaaaaaaaa je sors! Si tu sens une odeur bizarre et que l'évier de la salle de bain se décompose ben....... Cours!

Je plissai les yeux et attendis une réponse pendant plusieurs secondes jusqu'à ce que je me rende compte que ma colocataire était à la fac. Encore une situation où j'étais contente d'être la seule à m'être rendue compte de ma connerie. Bref. Je n'avais pas le temps de tergiverser. Après avoir dévalé les escaliers, j'ouvris la porte de la laverie et, brandissant mon arme, le regard confiant et assuré perçant à travers mes lunettes de chimie, je me mis à scruter la pièce. Mon cher frère était assis par terre en train de bouffer des gâteaux qui ressemblaient d'ailleurs étrangement à ceux que je venais d'acheter deux heures auparavant. Ben quoi, j'étais très sensible à la cause des lapins. Il avait l'air décontracté mais je ne m'y fiais pas... Peut-être était-ce un piège!!

- Ben alors, il est où le psychopathe du troisième?

Bizarrement je trouvais qu’être coincé dans la laverie avait quelque chose de fascinant. Bon ok peut-être que toutes les drogues que mon corps avait déjà ingurgité ces dernières années perturbaient légèrement mes réflexions. Mais sans savoir pourquoi, mes yeux restaient scotchés sur un des tambours en marche. Je regardais tranquillement le linge trempé se faire remuer par les mouvements rotatifs de la machine comme s’il s’agissait d’un épisode des feux de l’amour. C’était tout aussi passionnant. A un moment je crois apercevoir le bonnet d’un soutien gorge, il disparaît… le suspense !! à quel moment pourrais-je à nouveau l’apercevoir??? Je vous l’avais dis, la laverie avait quelque chose de vraiment fascinant et puis quoi ? faut bien s’occuper !

Bien que je commençais à trouver la laverie assez attrayante pour le moment, il en va s’en dire que ce n’était pas un lieu que j’avais l’habitude de fréquenter. En fait, j’évitais le plus possible de laver mon linge moi-même et ça depuis l’âge de mes 7 ans. C’est à cette période que je compris à quel point c’était compliqué de laver ses vêtements. Et puis surtout je gardais un très mauvais souvenir de ma première machine que je mis en route. En fait, un matin je m’étais levé très tôt. Tout le monde dormait dans la maison et je commençais à vraiment m’ennuyer. Une idée de génie me vint. Je me disais qu’il serait bien de laver le linge de ma sœur. Après avoir coupé les cheveux des ses poupées pour leur donner un look punk, il fallait que je me rachète…

Après être entré en douce dans sa chambre, je récupérai la corbeille de son linge salle et mis tout à laver en appuyant sur les boutons un peu au hasard. Je pensais avoir compris le truc puisque la machine se mis en route et quand je revins une heure plus tard tout me semblait être propre. Enfin y’avait quand même un truc de bizarre, j’avais l’impression que certains des vêtements appartenaient plus à ses poupées qu’à elle. J’étais loin de me douter que j’avais fait rétrécir la moitié de ses affaires. Et puis sur un des pulls je remarquai qu’une tache n’était pas parti. Alors pour la faire disparaître je n’y voulais plus qu’une seule solution : découper la tache.

J’avais vraiment mis tout mon cœur à tout rendre propre et pourtant Kaleigh ne semblait pas vouloir remarquer tous les efforts que j’avais fait pour elle. Au contraire, elle passa la journée à me crier dessus et me faire la gueule. Tant d ‘effort pour ça… après un tel résultat, je n’avais plus envi de m’approcher d’une machine et jusqu’à aujourd’hui j’avais plutôt bien réussi …

Après cinq ou dix minutes d’attente, je fus sorti de mes rêveries quand Kaleigh déboula enfin dans la laverie. Un couteau à la main, une bouteille en plastique dans l’autre, des lunettes de chimistes sur les yeux. j’eus presque du mal à la reconnaître derrière ce déguisement. En la voyant ainsi, mes yeux s’écarquillèrent et mon regard pris une expression suspecte quand elle me demanda où était le psychopathe du troisième. Pour moi si il y avait un psychopathe dans cet immeuble, ça ne pouvait que être qu’elle à cet instant :

Je sais pas j’ai envi de dire devant moi ? Nan mais c’est quoi cette accoutrement de tueuse en série ??

J’avais l’impression de me retrouver face à une des folles d’un épisode d’Esprit Criminel. C’était sur que dans cette tenue, aucun voisin ne viendrait l’embêter. Un sourire amusé pris place sur mon visage, finalement je trouvais cette tenue parfaite :

- A la réflexion, j’aime bien ta tenue. Au moins j’aurais plus à menacer ceux qui te tournent autour… tu les feras fuir toute seule

Devant cette arrivé spectaculaire de ma sœur, je n’avais pas pu bouger d’un seul pouce. J’étais tranquillement resté assis trop occupé à contempler son accoutrement. J’en avais même oublié de lui dire de retenir la porte qui s’était très vite refermée derrière elle. Je m’étais fait à l’idée d’être coincé ici donc ça ne m’alarma pas vraiment et sur un ton très serein je la prévins :

Je sais pas si tu étais au courant, mais la porte de la laverie ne s’ouvre que de l’extérieur. Donc en gros te voilà bloqué avec moi. Un gâteau ??

Spoiler:

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- Je ne parlerais pas aussi vite à ta place, tu connais pas le psychopathe du troisième! Il a des fantasmes bizarres et je crois qu'il aime beaucoup le latex...

Tout en finissant ma phrase et après m'être débarrassée de ce que j'avais en main, j'ôtai mes gants jaunes et les secouai en l'air, avant de les poser sur une machine à laver. Je préférai éviter d'évoquer le soir où le psychopathe du 3e m'avait poursuivi dans les escaliers jusqu'au cinquième étage affublé d'un slip kangourou éléphant de peur de voir rejaillir dans mon cerveau des images dont je préférerais ne jamais me souvenir. Toutefois, cet épisode m'avait prouvé que quand je le voulais, je pouvais courir très vite, n'en déplaise à mon professeur de sport de terminale qui prenait à l'époque régulièrement plaisir à me traiter d'escargot neurasthénique sous pretexte que je préférais admirer le paysage et papoter avec mes amis plutôt que de foncer comme un lévrier afghan vers la ligne d'arrivée.

A présent, mon cher frère s'amusait à me foutre la trouille en me faisant croire qu'on était coincé dans la laverie. Il savait pourtant pertinemment que j'étais claustrophobe! A vrai dire, j'étais même hypoxiophobe. En clair, j'avais peur de manquer d'oxygène ce qui me valait d'être également pyrophobe, tubaphobe, chirurgicomasquophobe, subcouverturosomnophobe et j'en passe. En parallèle, porter un serpent autour de mon cou, passer la nuit dans un cimetière ou assister à des scènes gores ne me faisait ni chaud ni froid. Quoi qu'il en soit, je pouvais rigoler des situations les plus tordues et des blagues les plus noires.. bref, de tout sauf de ma phobie et Andrix avait bien compris que c'était la seule façon de m'effrayer.

- Pff n'importe quoi, je l'ai coincée avec le bout de bois avant d'entrer... Ah non. Oh merde!

Alors que je venais de jeter un regard vers l'entrée, mon visage se décomposa. J'étais tellement dans le feu de l'action que j'avais oublié la porte, cette satané porte dont la poignée côté laverie avait été arrachée pendant un combat de catch sauvage organisé il y a deux ans au milieu des machines à laver et des bacs à linge sale et qui aurait par ailleurs coûté un orteil au plombier du cinquième et la vie à un bébé chihuahua. Du moins, c'est ce que m'avait raconté l'alcoolo du quatrième. Il faut avouer que niveau crédibilité, on pouvait trouver mieux.

Bon. Nous étions coincés dans une dizaine de mètres carrés à peine, et mon frère avait l'air de "kiffer la vie" comme disent les jeunes. Il pensait même à son estomac, et au mien par la même occasion! Sérieusement, la dernière chose que j'avais envie de faire, c'était de m'asseoir tranquillement et de bouffer des gâteaux à 5 dollars la boîte! Je me demandais comment il faisait pour rester aussi calme et placide dans de telles circonstances. Pour ma part, j'aurais bien eu besoin qu'il me refile un de ces trucs tranquillisants pour chevaux parce que j'étais plus excitée qu'un bébé rat sous amphétamines enfermé dans une boîte de camembert. Il fallait absolument que je trouve un moyen de sortir d'ici. Je n'avais bien évidemment pas mon portable sur moi, l'ayant laissé en haut pour pouvoir m'armer et anéantir le psychopathe du troisième en lui corrodant sa face, et ne me rappelais d'aucun des numéros de mes voisins. De toute manière, les seuls que je connaissais par coeur étaient le mien, celui d'Andrea - fort utile - et celui de mes parents qui étaient en "pèlerinage hippie" à Bethel. Après avoir tapé sur la porte en gueulant comme une malade, mon regard s'illumina. J'empoignai la bouteille orange qui trônait sur une machine à laver et me tournai vers mon frère.

- Pas de panique, pas de panique, je maîtrise. Je vais nous sortir de là. Je vais faire un trou dans cette saleté de porte en balançant de la soude dessus!

Spoiler:

Il y avait toujours quelque chose de bluffant chez Kaleigh. Elle savait toujours pleins de choses sur les autres. J’avais toujours trouvé qu’elle était du genre observatrice et curieuse vis à vis des gens. C’était peut-être pour cela qu’elle s’était lancée dans le journalisme. Sans cet intérêt pour les gens, ça serait surement plus difficile de réussir dans ce métier. Moi au contraire j’étais incapable de reconnaître mes voisins de palier. J’avais beau les croiser quotidiennement, je ne les reconnaitrais sans doute pas dans la rue. Alors quand à savoir ce qu’ils aimaient, leur fantasmes.... c'était suréaliste de mon point de vue !! aussi surréaliste qu'un Roland Garros sans Roger Federer. Pour ça Kaleigh m’impressionnait. Quoi que c’était bizarre qu’elle parle ainsi de son voisin.

- Il doit pas être si terrible que ça ce voisin… et puis d’ailleurs, comment ça se fait que tu connaisses ses fantasmes toi ? Et pire ses gouts en matière de latex ? Tu me caches quelque chose ? Y’a quoi exactement entre vous ?

Je pris mon air pas content comme à chaque fois qu'elle mentionnait le nom d'un garçon. En fait, je crois que j’aurais préféré qu’elle ne sache rien de son voisin. Si elle savait autant de chose sur un type qu’elle trouvait bizarre, j’avais peur d’imaginer le genre de choses qu’elle devait connaître de ceux qu’elle trouvait sympa, de ceux qu’elle appréciait. Si ça ne tenait qu’à moi, il faudrait qu’avant qu’un de ses voisins ne lui adressent la parole, il devrait passer par moi avant, histoire de voir si il est digne de confiance. Parce qu’il faut être réaliste, la plupart des hommes craignent et mentent tout le temps. Bref peu d’entre eux sont fiables ! Mais pour le moment je n’avais rien à craindre, puisqu’elle était coincé avec le type le sûre qu'elle puisse trouver : moi ! Ben oui quoi, je suis son frère quand même !

Kaleigh commença à s’énerver contre la porte tout comme je l’avais fait quelques minutes auparavant. Je la laissais se fatiguer tranquillement sans préciser que j'avais déjà testé tout ça. Et puis elle joua le rôle de grande sœur à fond et prit la résolution de nous sortir de là. Elle s’adressait à moi en me disant de ne pas paniquer. Mais j’avais plus l’impression qu’elle se parlait toute seule en faite. La seule personne qui avait l’air de paniquer c’était elle. Je lui fis un sourire moqueur quand elle annonça maitriser la solution. Que n’est ni ! Elle était à deux doigts de craquer, elle avec ses nombreuses phobies. Je la regardais tranquillement avec sa bouteille se soude à la main, prête à jouer les MacGyver. Je fis mine d’étudier la solution qu’elle proposait avant de lui suggérer la mienne, avec un air nonchalant :

- Où alors on pourrait tout simplement attendre que la jolie voisine qui a mis cette machine en route vienne récupérer son linge…

Je terminai en désignant du regard la machine qui m’avait occupé l’esprit en attendant qu’elle arrive. Bon après je ne savais pas vraiment combien de temps ça prenait pour faire une machine. Mais ça ne devait pas prendre plus d’une heure à tout casser… je redirigeai mon regard vers elle toujours avec un petit air innocent. Je tapais ensuite de la main le sol à mes côtés pour qu’elle me rejoigne :

-Allez viens d’asseoir à côté de ton petit Andy. Tu peux rien faire de toute façon …

En attendant qu’elle se décide à abandonner ou non son combat contre la porte, j’avalai le dernier gâteau du premier paquet. Après avoir ingurgité tout ce chocolat, j’avais eu subite envi de nicotine. C’était toujours dans les situations comme celle-ci qu’on en avait le plus envie. C’était comme faire un long voyage en avion. On sait qu’on ne peut pas s’en griller une, et c’est justement pour ça qu’on en veut ! sauf que dans un avion, on peut compter combien de temps il reste avant l’heure de la délivrance. Là impossible de dire quand on ressortira. Un vraie torture.

- Put**n ça craint j'ai envi de fumer. Ca dure longtemps une machine???

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- Han mais t'es malade, il a genre l'âge de papa! J'ai juste vu son slip en latex quand il m'est rentré dedans dans les escaliers! ... Enfin non, je veux dire qu'on s'est... nos champs visuels sont malencontreusement rentrés en interaction quoi.

La brigade de répression des mœurs sororales avait encore frappée! J'y étais tellement habituée que je ne relevais même plus et préférais répondre du tac au tac et passer à un autre sujet. Quoi que, d'un côté, il fallait avouer que mon histoire était assez suspecte et que moi aussi je me serais posée des questions s'il m'avait avoué connaître les fantasmes d'une des nombreuses cougars richissimes qui peuplaient les couloirs de sa résidence! Bref. Je savais que, devant Andrea, il fallait que je fasse extrêmement attention aux mots que j'employais lorsque par malheur me venait l'envie ou l'obligation d'évoquer un membre de la gent masculine qui n'appartenait pas à la famille, ce qui excluait il faut l'avouer un sacré nombre de mes connaissances. Or, niveau syntaxe et diplomatie, j'étais largement plus douée devant un papier ou un écran d'ordinateur qu'à l'oral.

Quoi qu'il en soit, ce qui devait arriver arriva. Des images horribles défilaient en grand écran dans mon esprit. Je ne pus réprimer une grimace de dégoût en me rappelant de la fameuse trompe d'éléphant en latex du psychopathe du 3e qui se balançait pendant qu'il courrait en chantant de façon incompréhensible. Il faut dire que ce n'était pas complètement sa faute à ce pauvre quadra dégarni. Deux jours après l'incident, il m'avait coincée devant ma boîte aux lettres, bouteille de whisky à la main et barbe de carrément plus que trois jours sur le visage. Il s'était confondu en excuses et m'avait raconté sa vie. J'avais bien été obligée d'écouter comment sa femme, ancienne dominatrice qui travaillait dans un donjon du Queens, l'avait lâché pour un gamin de vingt ans, plus vif et moins bedonnant et que depuis, il avait des hallucinations et croyait la voir revenir dès qu'il voyait des jolies brunes et qu'il avait plus de 2 grammes d'alcool dans le sang. Je ne savais pas pourquoi j'attirais tous les cas de la ville. Il n'y avait pas écrit SOS amitié sur mon front, non mais oh! Il fallait toutefois avouer que je n'étais pas mécontente d'appartenir à la catégorie des jolies brunes.

- Je rigolais pour la soude, hein!

Ou pas. J'esquissai un sourire et reposai une ultime fois la bouteille sur une des machines. Mon frère avait raison, on aurait probablement assez d'air pour tenir jusqu'à la fin du programme en cours, d'autant plus qu'il y avait sûrement un système d'aération quelque part. Qu'est-ce que j'étais conne parfois! S'il n'avait pas été là, je serais peut-être en train de crever à cause des projections et autres émanations toxiques comme l'araignée que j'avais achevée à coup de déodorant la semaine dernière. Andrea était le seul qui parvenait à mettre court à mes excès de claustrophobie ou de maniaquerie, peut-être justement parce qu'il n'essayait pas à tout prix de le faire et qu'il restait tout simplement calme.

Après avoir lancé un dernier regard sur la porte, je me décidai donc à le rejoindre par terre. Une fois assise, je regardai le paquet de gâteaux vide et esquissai une légère moue. Finalement, toute cette agitation ainsi que les 45 précédentes minutes de ménage/concert intensif m'avaient creusé l'estomac. Je n'étais pas la seule à ressentir les premiers, enfin plutôt seconds désagréments de l'enfermement. J'avais envie d'un bon cheeseburger et mon frère d'une clope. Le problème avec lui, c'est que quand il prononçait le verbe fumer, on ne savait jamais s'il désignait une cigarette légale ou une cigarette qui fait rire. Toutefois, je pense qu'il n'aurait jamais eu l'audace de parler de drogues en ma présence, du moins pas de façon aussi légère. Il savait que ça m'embarrasserait au moins autant que lui si je lui décrivais comment, en deuxième année de fac, j'avais atteint la quatrième base dans une salle de TP avec l'australien du fond de l'amphi. Alors qu'il m'interrogeai sur un des rudiments de l'art de la lessive, je lui donnai un coup de coude et désignai la machine en route du menton.

- Encore 42 minutes, c'est marqué dessus banane!

J’avais beau avoir deux ans de moins qu’elle et être le dernier de la famille Corso, mon comportement ressemblait parfois à celui de grand frère et j’étais pas prêt de stopper cette habitude. Depuis tout jeune, je surveillais ses relations. Elle s’en plaignait parfois. On me faisait des remarques comme quoi j’étais relou. Mais pour moi, si tout les frères faisaient comme moi, il y aurait moins de conn***d sur cette terre. Si chacun faisait un peu gaffe à sa sœur et bien alors il y aurait moins de chance qu’on les traite mal simplement par crainte d’être confronté à leur « protecteur ». Donc tant que la totalité des hommes ne se transformait pas en parfait gentleman, et bien moi je continuerai mon rôle de « contrôleur de répression des mœurs sororales » comme le disait si bien Kaleigh. Autant vous dire que ce jour, n’était pas prêt d’arriver.

Comme à chaque fois que je suspectai quelque chose de bizarre dans ses relations avec les hommes, Kaleigh se mettait sur la défense. Pour elle aussi c’était devenu une habitude. Elle chercha à se justifier, mais je crois que tout ce qu’elle me disait me faisait encore plus peur. Mais j’étais convaincu que je ne devais pas m’inquiéter sur cet homme. Je l’aurais été si au contraire, elle n’aurait pas chercher à justifier autant leur mémorable rencontre. Je ne poursuivis pas plus que cela.

- « Nos champs visuels sont malencontreusement rentrés en interaction »… Tu m’en diras tant…

Notre attention se porta davantage sur notre problème actuel à savoir notre enfermement dans la laverie. Kaleigh fit mine d’avoir fait semblant de paniquer ce qui m’amusa beaucoup. J’acquiesçai d’un faux air convaincu après quoi elle se posa à mes côtés. Encore une fois la voix de la sagesse avait eu raison =). Je vis qu’elle regardait tristement le paquet de gâteaux vide. Je devais avouer que j’avais été un peu gourmand sur ce coup là mais j’avais eu la bonne idée d’en acheter deux. Enfin la bonne idée… je n’avais pas vraiment eu le choix. Ces gamines étaient de vrais démons manipulateurs malgré leur jeune âge. Pour le coup, je ne me faisais aucun souci pour elles plus tard. J’étais persuadé qu’elles n’étaient pas prête de se faire berner par leurs futurs prétendants. C’est plutôt eux que je plaignais.

Bref, après avoir eu le rôle de contrôleur de répression des mœurs sororale, je pris celui d’ange gardien de petit estomac ambulant. Je récupérai le second paquet de gâteau qui était du côté opposé et je lui tendis. Ouais mais si elle avait à présent de quoi combler sa faim,ce n’état pas mon cas pour mon manque de nicotine. Elle me dit qu’il fallait encore attendre 42 minutes – en espérant que la voisine en question ne se soit pas endormi en regardant le nouvel épisode de « Des jours et des Vies »….

- Haaa … j’pensais que c’était la température. J’me disais bien que c’était bizarre que ça refroidisse aussi rapidement

Bon 42 minutes à occuper. Le meilleur moyen pour moi d’oublier l’appel du tabac c’était d’occuper mes mains. Je ne voyais qu’une seule occupation possible :

- On joue à papier, caillou, ciseau ???

Un grand sourire de gamin s’afficha alors sur mon visage.

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

En unique réponse aux derniers propos de mon frère qui venaient clore ce sujet de conversation, j'esquissai un léger sourire tout en penchant la tête. Nous étions coincés pour encore quasiment trois quarts d'heure dans à peine plus de dix mètres carrés, autant dire que ce n'était absolument pas le moment de s'embrouiller pour de sordides histoires de testostérone, notamment celle du psychopathe du troisième. De toute manière, nos disputes tournaient presque indubitablement au dialogue de sourd et, quelques heures plus tard, voire jours tout au plus, on nous retrouvait en train de nous marrer ensemble comme au bon vieux temps. Soit.

Alors que je commençais à regarder le bout de barre chocolatée coincé derrière une machine et qui devait probablement être périmé depuis des lustres au vu de l'aspect blanchâtre qu'il prenait en surface avec autre chose que du dégoût, mon cher petit Andy sortit un autre paquet de gâteaux de je ne sais où. Apparemment, il s'était vraiment bien fait soudoyer par les ersatz des petites filles modèles qui squattaient mon trottoir! Cette pensée me fit sourire mais mon estomac me sortit très rapidement de mes songes. Je me mis à souffler de soulagement, les yeux rivés sur le paquet.

- Han, t'es vraiment le meilleur! Enfin, la société protectrice des lapins est vraiment la meilleure.

Je ponctuai ma phrase d'un nouveau sourire tout en levant les sourcils. Ah, ces gamines en uniforme! Totalement le contraire de ce que j'étais à leur âge. Quoi que, même à l'époque je savais mener mon monde à la baguette et obtenir ce que je voulais, au grand dam de mes "victimes" qui ne réalisaient souvent que bien trop tard les conséquences de leurs concessions. Toutefois, je le faisais d'une façon beaucoup plus subtile. Je me rappelai notamment du jour où, au square, j'avais suggéré à un pauvre gamin d'aller récupérer ma Barbie coincée sur la branche d'un chêne, à deux mètres du sol. Ne me demandez pas comment elle avait atterri à cet endroit. Quoi qu'il en soit, le garçon avait fini à l'hôpital. Pour me faire pardonner, j'avais tout de même dessiné un gros cœur rose et tordu sur son plâtre la semaine suivante. Bref, tout était dans l'art de la suggestion. Le rentre-dedans n'avait d'ailleurs jamais été ma tasse de thé. De plus, pour en revenir à nos mini-militantes des rues, les formules toutes faites sorties d'argumentaires, les jupes bien repassées et les sourires hypocrites m'horripilaient au plus haut point. Il y avait donc au moins quelque chose que j'avais hérité de mes parents. Cela ne m'avait pas empêché de vider les stocks de ces gamines qui m'avaient également sauté dessus mais c'était uniquement pour la bonne cause que j'avais sorti mon porte-monnaie. Je me jetai donc sur le paquet et engloutis deux gâteaux d'affilée. J'étais une vraie morfale quand je m'y mettais.

C'est alors que mon frère m'avoua avoir confondu le temps restant avec la température. Cela me fit rire, mais ne m'étonna qu'à moitié. J'avais toujours été la "fée du logis" de la famille, même si l'expression ne convenait pas tout à fait. Je détestais les tâches ménagères mais supportais encore moins la saleté et le désordre. Vous avez dit paradoxal? Bref. Je piquais donc régulièrement des petites crises de maniaquerie, quelque soit l'heure du jour ou de la nuit. Il y a quelques années, après avoir passé une nuit à cogiter, j'avais débarqué dans la chambre d'Andrea à cinq heures du matin pour ranger ses disques par style et ordre alphabétique, ce qu'il avait moyennement apprécié d'après ce que j'avais pu saisir des quelques mots qu'il avait prononcé dans un demi-sommeil. J'avais fini par déguerpir car, il faut l'avouer, oser réveiller un ado à une telle heure est fort dangereux.

- Tsss! En temps normal j'aurais relevé, mais étant donné que tu me nourris je vais t'épargner!

Il est vrai qu'en général, je n'hésitais pas à le taquiner. C'était une habitude fort répandue chez les aînés parait-il. Il faut toutefois dire que, de son côté, il ne se gênait pas non plus! C'était un mode de communication comme un autre et, pour être honnête, ça m'amusait beaucoup. Je reposais la moitié du gâteau que je venais de couper à la main quand mon frère me proposa de faire un petit jeu afin de passer le temps. Alors que je relevais les yeux, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant son air de gamin attendrissant. Cela me rappela l'époque où nous étions jeunes et insouciants et où nous regardions la petite maison dans la prairie tout en trempant des gâteaux dans du lait demi-écrémé. Ce cher Charles Ingalls avait la classe quand il coupait des bûches. Bref, trêve de nostalgie.

- Allez, à l'ancienne... Tu triches pas hein!

Je laissai échapper un léger rire pendant que je répliquai. Je me repris, pris un air sérieux et entonnai la fameuse phrase avant de dégainer ma plus belle imitation du ciseau de derrière mon dos.

Il fallait bien trouver de quoi s’occuper si on ne voulait pas mourir d ‘ennuie dans cette laverie. Quoi que s’ennuyer avec Kaleigh c’est difficilement possible. Mais je n’avais pas très envi de rester inactif les yeux rivés sur cette seule machine à laver en marche à attendre qu’elle se termine. Et puis il fallait que j’occupe un peu mes mains pour combler l’absence de mégot entre les doigts. Je proposai ce jeu de gamin en souvenir de notre enfance et adolescence. Petit on y jouait pour s’occuper et se divertir, puisqu’à la base, il s’agit vraiment d’un moyen de divertissement venant tout droit de chez nos amis les chinois. Avec les années, ce petit jeu eut tendance à se transformer en moyen de délibération officiel pour décider de celui qui devait préparer à manger dans nos parents ne voulaient rien faire. Très vite, la moindre chose qui ressemblait à une corvée se décidait à papier / caillou / ciseau. C’est devenue un petit rituel dès que les parents demandaient un truc. Ca pouvait être pour n’importe quoi : Sortir les poubelle, faire la vaisselle, aller se plaindre chez le voisins… C’était devenu automatique presque comme les antibiotiques (joke) . On avait même plus besoin de se parler. Un simple regard suffisait pour qu’on place notre main dans le dos et qu’on prépare « arme ».

Kaleigh accepta mon jeu. Toute façon c’est pas comme si on avait le choix des activités… me menaçant de ne pas tricher.

- moi tricher ? Comment oses-tu penser que je puisse tricher contre toi ? toi ma soeur adorée !

bon j’avoue que plus jeune j’avais à tendance à la placer devant le miroir pour apercevoir ces gestes.. ; mais là j’étais un peu bloqué par la pièce et puis il n’y avait rien à perdre cette fois-ci mise à part peut-être ma fierté de mauvais perdant. Après mon faux air de gars super blessé par ces paroles, j’imitais ma sœur et je pris un air sérieux. C’était quand même à ne pas prendre à la légère ce moment ! J’armai dans mon dos mon signe favori à savoir la pierre ! Avec une synchronisation parfaite, on dégaina nos signes. La pierre brisait le ciseau, un sourire machiavélique et fier se forma sur les lèvres. Je cognai doucement mon poings fermé contre ses doigts en forme de twix pour imiter la pierre massacrant les pauvres ciseaux de façon à marquer ma première victoire.

- Haha ! j’suis trop fort…

Bon ok j’avais une chance sur trois de gagner mais quand même j’étais fier ! je replaçai ma main dans mon dos et on continua ainsi de suite. Pour Pour mon deuxième coup je ressortis ma fidèle pierre, au troisième, j’optai pour un peu plus de subtilité en imitant la feuille.
Et pendant qu’on enchainait notre bataille de signes, je relança la conversation. Après tout on était capable de faire deux choses en même temps et à la base j’étais venu pour un peu parler avec elle, pas pour jouer à papier caillou ciseau. Faut pas croire.

- au fait, à cause de cette porte, j’ai même pas demandé. Tu vas bien aujourd’hui ?
normalement ma question aurait été de savoir si tu as du temps à accorder à ton frère mais bon j’crois que t’as plus trop le choix XD !

(désolé pour le temps de réponse plus long)

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- Mouai!

Je me mis à rire face à sa fausse indignation. J'en avais l'habitude, depuis le temps! Il adorait utiliser cette expression faciale. Je plissai les yeux tout en passant la main plusieurs fois sur le trou de mon jean situé au niveau du genou. J'allais pas faire le ménage en robe de soirée, hein! Bref. La partie commença donc et, après un court suspense, mon frère bousilla mon magnifique ciseau avec sa pierre puis se vanta de sa victoire. Je levai les yeux au ciel.

- Tsss...

J'étais une mauvaise perdante, même à des jeux de hasard comme celui-ci. Quoi que, à force, j'étais habituée à ce qu'il me fasse le coup de la pierre et j'espérais toujours le piéger en comptant sur l'éventualité qu'il se dise que j'allais changer d'"arme" et me sorte une feuille, ce qui marchait tout de même de temps à autre et m'avait épargné quelques vaisselles. Bref, finalement, ce jeu était aussi une histoire de stratégie. Il n'empêche que, stratégie ou pas, je n'aimais pas perdre. Lorsque j'étais plus jeune, il m'arrivait même de piquer des crises mémorables après certaines défaites au Cluedo ou au Monopoly, ce qui faisait bien rire mes parents qui restaient imperturbablement calmes, comme à leur habitude, et me laissaient m'exciter toute seule en se foutant de ma gueule. Heureusement que YouTube n'existait pas à l'époque parce que sinon, je serais probablement devenue une star du web grâce à mes jurons légendaires qui faisaient déjà ma particularité à l'âge de huit ans. Avec le temps, j'avais appris à réprimer mon agressivité. Une bonne nouvelle pour mes adversaires car malgré les apparences, j'avais une certaine force et j'aurais pu assommer bon nombre de mes camarades de fac avec le totem de mon Jungle Speed.

Nous reprirent le cours du jeu, tout en conversant en parallèle. Nous étions de véritables professionnels du P2C - oui, P2C. C'est quand même plus classe que chifoumi - et étions donc capables de faire autre chose en même temps, genre remplir un coloriage sans dépasser ou finir un exo de maths. Alors parler.. c'était un jeu d'enfant.

- Han, tout va bien à part que mon plan de travail est probablement en train de se décomposer parce que j'ai pas eu le temps de le rincer croyant que t'étais en train de crever... Et toi? Qu'est-ce qui t'amène dans les bas-fonds de Greenwich Village?

J'habitais dans un immeuble de merde comparé à celui de mon frère mais, même si je n'y vivais que depuis quelques mois, j'y étais terriblement attachée. Mes voisins avaient tous l'air plus cinglés les uns que les autres et je faisais très régulièrement des rencontres dans des conditions bizarres. Je fais notamment allusion à la fois où j'avais débarqué dans l'appartement d'à côté en rentrant de soirée et que j'avais appelé les flics, croyant que je m'étais fait cambrioler. Oui, j'ai tendance à faire n'importe quoi quand je bois et c'est bien pour ça que mes "amis" essayent de me faire picoler à chaque soirée. Bref. Ma voisine avait accepté de m'aider à foutre le souk chez elle pour que les forces de l'ordre ne me refilent pas d'amende. Ce n'est probablement pas Mrs Langton, la vieille bourge maniaque du 5th Residential qui après avoir entendu un de mes "Putain, je me les caille comme une tahitienne en string sur la banquise" m'avait tenu un discours d'un quart d'heure sur la nécessité de ne pas outrager les belles pierres avec de vilains mots, qui m'aurait proposé de berner les autorités en balançant son mobilier Louis XV importé de France par son arrière-grand mère par terre et en brisant son vase Ming en mille morceaux.

Après ces quelques instants d'intense réflexion, je fixai mon frère d'un œil inquisiteur. S'il avait débarqué à l'improviste sans téléphoner et avait été assez distrait pour se laisser enfermer dans cette foutue laverie, peut-être avait-il quelque chose à me dire du genre "Kaleigh, je suis amoureux d'une chèvre" ou "Kaleigh, je suis enceinte". Ah ba non, ça c'est pas possible, Andrea n'étant pas, aux dernières nouvelles, un hippocampe. Je souris intérieurement, contente d'avoir, pour une fois, gardé ma connerie pour moi.

Spoiler:

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En entendant la réponse de ma sœur, je laissais dévoiler un sourire sur mes lèvres. Kaleigh avait une façon bien à elle d’expliquer les choses. Elle ne racontait jamais les choses simplement, elle s’amusait à dramatiser le moindre truc avec une pointe d’humour alors que moi j’étais plutôt du genre à tout prendre à la légère avec un côté « m’enfoutisme ».

- ben tu sais, il me fallait ma dose hebdomadaire d’adrénaline ; une vie sans danger c’est pas marrant !

voilà ce que je répondis en référence à sa description de son quartier. Greenwich Village était pour moi tout sauf un endroit mal fréquenté ou un lieu où il ne faisait pas bon vivre. Le Village était de plus en plus sollicité par les familles ou les étudiants. J’avais toujours trouvé le côté résidentiel bien sympa mais rien je ne m’y sentais pas d’y vivre. Ou alors j’aurai aimé y être dans les années soixante quand Bob Dylan et bien d’autres participèrent à l’expansion du mouvement folk. A cette époque, ça devait être cool d’y vivre quand l’esprit bohème y régnait. Mais peu à peu le quartier se transforma et les artistes le désertèrent pour Brooklyn. J’avais hésité à m’installer là-bas au départ. C’était l’endroit idéal pour découvrir les nouveaux talents. Mais on me fit visiter un appart situé sur la 5ème avenue et c’était le coup de cœur. Un coup de cœur qui faillit me glisser entre les deux doigts. J’avais de la concurrence et aussi bizarre que cela soit, ma rivale immobilière devint ma colocataire. Je me plaisais vraiment au centre de Manhattan. Ca bougeait tout le temps et c’est ce qu’il me fallait.

- Nan mais j’suis venu juste comme ça. Je savais pas trop quoi faire aujourd’hui mais je me dis que j’ai mal choisi mon jour pour te rendre visite.

Un bruit métallique attira mon attention en direction de la sortie de la laverie. Quelqu’un avait cogné contre la porte. L’heure de la libération arrivait elle ? Doucement, la porte s’entrouvrit doucement comme avec hésitation. Un gamin de 7 ou 8 ans apparut. Il nous regarda étonné avec un air un peu ahuri. Immédiatement j’exprimai ma joie à la vue de ce môme.

- Haaa notre sauveur !

La porte se referma immédiatement laissant à nouveau Kaleigh et moi seuls dans la laverie. Le gamin n’avait rien dit, il n’était même pas entré. Il nous avait simplement regardé avec son air abrutit pour nous laisser dans notre trou. J’en revenais pas. C’était limite si je n’avais pas la bouche grande ouvert à tel point cela m’avait stupéfait de voir cette porte se refermer si vite.

- Après les écolières manipulatrices, voilà le gamin idiot ! Nan mais c’est quoi cette jeunesse ?!

Bon ok ce ton révolté ne me ressemblait pas mais quand même. C’est quoi ces gosses malpolis ?!

Spoiler:

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- T'auras quelque chose à raconter à LOREENA en rentrant comme ça!

J'esquissai un demi-sourire et ramenai mes jambes plus près de moi. Ah, Loreena. Je ne vous raconte même pas ma réaction lorsque j'ai appris qu'ils partageaient le même appart', le même canapé, la même salle de bain, le même frigo... Il m'arrivait souvent de lancer des piques à son propos et j'étais persuadée que ma rivale ne se gênait pas pour faire de même de son côté. Il m'arrivait parfois de penser au rôle difficile de tampon que devait jouer Andrea mais, à la guerre comme à la guerre, je ne m'embarrassais guère longtemps de cette considération.

Mon frère m'apprit par la suite qu'il n'avait rien de spécial à m'annoncer. J'étais contente qu'il vienne me rendre visite simplement pour profiter de ma fort agréable compagnie. Nous n'avions guère le temps de nous voir aussi régulièrement qu'auparavant, ayant tout deux des métiers prenants et des emplois du temps discordants et même si j'appréciais parfois la solitude, sa présence, nos discussions nocturnes et nos délires à la con me manquaient.

- Pas tant que ça! Si t'étais venu demain, la seule personne qui t'aurait entendu sonner c'est Avogadro mais malheureusement, il sait pas ouvrir les portes. Mon boss veut m'envoyer sur une histoire bizarre à base de sénateurs, de détournement d'argent et de prostituées lituaniennes mineures... Je sens que je vais m'éclater!

Ma période d'essai se terminait dans une semaine et je devais convaincre mon patron que j'étais digne d'hériter du poste très convoité du journaliste d'investigation qui s'apprêtait à partir à la retraite dans les montagnes suisses en intégrant son équipe le temps d'un article. J'étais vraiment nerveuse et c'est d'ailleurs une des raisons qui m'avait poussée à entamer mon troisième grand ménage de printemps de la saison. J'étais vraiment prête à tout pour impressionner mon supérieur hiérarchique et décrocher ce contrat, même à me déguiser en péripatéticienne de l'est.

Un léger grincement se fit entendre. Je tendis l'oreille et déplaçai mon regard en direction du bruit. Lorsqu'une petit tête blonde apparut dans l'entrebâillement de la porte, je bondis aussitôt. Malheureusement, cet abruti de gamin nous enferma à nouveau dans la pièce après nous avoir regardé d'un air hagard. Je me précipitai vers la porte à nouveau bloquée et me mis à gueuler, comme je savais si bien le faire.

- Hé gamin, reviens ici TOUT DE SUITE ou je... Han... Je te jure que si je le retrouve celui-là...!

Je fis volte face, énervée. Je n'étais pas la meilleure amie des gosses, c'est le moins qu'on puisse dire. J'aimais les bébés, horloge biologique en action oblige, mais dès qu'ils dépassaient les 90 centimètres, la majorité d'entre eux me tapait sérieusement sur le système. LUI en particulier. Il était décérébré ce pauvre gamin ou quoi? Je lui avais probablement fait peur avec mon jean troué et mon vieux t-shirt des Rolling Stones. Peut-être avait-il cru que j'étais fétichiste des langues et que je voulais arracher la sienne pour la mettre dans un bocal rempli de formol. Encore aurait-il fallu qu'il la sorte de sa poche, sa langue! Bref. Je roulai des yeux puis répliquai vivement et sur un ton offusqué aux propos de mon frère concernant le manque de civilité de nos amis les moins de 12 ans.

- Mais carrément! On était pas comme ça nous hein!

Spoiler:

Hein ? C’est quoi cette façon d’insister sur le Loreena ? Serait-ce un peu de jalousie ! il était clair que oui. Enfin bon ce n’était pas comme si c’était la première fois, que Kaleigh me rappelait la rivalité qu’il existait entre elles. En général, je préférai ne pas m’occuper de tout ça de rester en dehors de leurs histoires et de tout simplement éviter le sujet. C’était leur boulot après tout je n’avais rien à faire là-dedans. Mais bon cette fois, je trouvais la remarque amusante et j’étais d’humeur à la titiller encore un peu. J’allais donc dans son sens :

- Carrément ! et puis ça lui fera peut-être un bon sujet d’article ! * voix d'un vendeur de journaux ON * « Les conditions de vie déplorables dans le quartier de Greenwich Village ! Un New-Yorkais coincé pendant des heures dans une laverie alors qu’il rendait visite à sa sœur, interview exclusive ». * voix d'un vendeur de journaux OFF * Ca fera la une des journaux ça ! Tiens tu veux par prendre une photo pour illustrer l’article.

Avec ma question je lui tendis mon téléphone avec un sourire machiavélique. Bon j’exagérai un peu, mais c’était tellement marrant de la provoquer sur ce sujet-là. Et puis elle me raconta sur qu’elle sujet elle devait investiguait le lendemain. Là ça me faisait moins sourire. C’était louche son histoire et tout d’un coup je me disais que ça pouvait être dangereux son métier parfois. Le grand frère super protecteur était de retour.

- Nan mais il peut pas envoyer un gars faire cette article ton patron ? ca craint pour toi si tu vas là-bas. J’ai un mauvais pressentiment ! Tu devrai te portais pale demain !!

L’apparition du gamin perturba notre conversation et Kaleigh réagit au quart de tour en se relevant. Mais bon elle ne fut pas assez rapide, le garçon referma immédiatement la porte. Moi j’étais complètement à la masse, je n’avais même pas bougé d’un poil. Naturellement, ma sœur lança des menaces mais rien n’y faisait. La porte ne se re-ouvrit pas. J’étais complètement outré par son comportement. Enfin peut-être pas tant que ça mais quand même. Il avait du comprendre qu’on était coincé !

- moi non en tout cas. Toi difficile de trancher. Tu pouvais être agaçante quand même à me crier dessus quand tout n’étais pas correctement rangé selon toi !

Kaleigh, maniaque ? à peine ! D’ailleurs sa tenue du jour le prouve. Son obsession pour le propre elle l’avait depuis de nombreuses années et bien qu’aujourd’hui cela ne me pose plus vraiment de soucis, jeune ce n’était pas toujours difficile à vivre. Moi qui avait tendance à étaler mes affaires un peu partout dans l’appart et à ne jamais repasser derrière pour les ranger.. vous pouvez me croire que j’ai eu plusieurs fois affaire à la Kaleigh version colérique ! Mais bien heureusement on à grandit depuis et on s’est assagi, enfin je crois.

**K.L.C** Sometimes, crazy's alright!

- C'est sûr que c'est un sujet qui convient mieux à son torchon qu'au Times!

.. Répliquais-je en repoussant son portable d'une main. Oui, j'étais odieuse. Il faut dire qu'il m'avait cherchée sur ce coup! D'un côté, je n'avais pas totalement tort et, avec son talent, Loreena ne méritait pas de passer toute sa carrière à écrire pour un journal de "seconde zone". Elle finirait probablement à mes côtés ou dans une rédaction de prestige égal et ça, j'étais bien obligée de le reconnaître. Je n'étais pas du genre à écraser plus faible que moi, par fair-play mais également par orgueil, et je n'aurais pas accepté de jouer le jeu de la rivalité avec Loreena si elle n'avait pas été une adversaire à la hauteur. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Pour l'instant, j'étais loin d'avoir vaincu qui que ce soit et, d'ailleurs, c'était plus la bataille que la victoire qui m'intéressait.

Nous changions de sujet pour aborder celui de ma prochaine mission. Après l'intervention de la brigade des mœurs sororales, j'avais droit à celle de l'unité fraternelle de surveillance des risques professionnels. Pour une fois, mon frère avait raison de s'inquiéter même s'il le faisait peut-être à outrance. Moi non plus je n'étais pas très rassurée à l'idée de baigner dans un milieu corrompu et encore moins par les méthodes non conventionnelles que mon peut-être futur partenaire et l'adepte des fromages helvétiques dont je briguais le poste avaient décidé d'employer. Toutefois, je savais pertinemment que toute cette histoire avait pour but de me tester et que, même s'ils tentaient de me foutre à la trouille depuis trois jours, de tels professionnels ne mettraient jamais une débutante en danger. De plus, à vrai dire, j'étais assez émoustillée à l'idée d'affronter un risque potentiel et de m'exposer à quelques montées d'adrénaline.

Pour le rassurer, j'aurais bien pu lui dire que je savais utiliser un 9 mm et que j'avais fait un stage de krav maga auprès d'un ancien agent du Mossad mais je ne pense pas que de tels arguments auraient l'effet escompté. Mon attitude vis-à-vis de la "violence" différait absolument de celle que mes parents avaient tenté de m'inculquer. En réaction à une overdose de "peace and love" et de "faites l'amour, pas la guerre", j'avais développé une certaine fascination pour les sports de combat et les armes que je m'efforçais de cacher à ma famille afin d'éviter de passer pour une folle voire de me faire déshériter. Je n'étais pas atteinte au point de dormir avec un semi-automatique sous l'oreiller mais il n'empêche que cet univers assez primaire m'intriguait depuis mon adolescence. Cet attrait s'était transformé en pratique le jour de ma rencontre avec un dénommé Alex Sawyer, un gars assez louche qui ne lâchait jamais son cuir même lorsqu'il faisait 35 degrés à l'ombre et qui était complètement accro à la gâchette. Si mon frère avait découvert cette liaison, il aurait pété un énorme câble et aurait probablement tenté un truc absurde, genre l'étouffer avec son blouson à 400 dollars. J'en avais eu des sueurs froides à l'époque. Bref. Je l'avais fréquenté pendant trois semaines avant de réaliser que j'étais avec lui uniquement pour son côté bad boy, les trucs ahurissants qu'il savait faire sous la couette et son accès illimité au stand de tir. Pas vraiment les ingrédients d'une relation durable. Oui, j'avais le chic pour attirer les mecs suspects et Andrea n'étant plus là pour faire barrage, j'avais fréquenté pas mal de cas sociaux à l'université dont certains que j'aurais d'ailleurs préféré éviter de rencontrer. Comme quoi, j'avais beau me plaindre, il était parfois utile, mon frère!

- Mais t'inquiète, je suis une grande fi...

Avant que je n'aie le temps de sortir mon truc bidon, le gamin interrompit notre amorce de discussion. Sauvée par le gong. Après cette interruption, la conversation reprit sur un autre de mes vices cachés, la maniaquerie. Encore une réaction antagoniste à mon éducation. Andrea ressemblait beaucoup plus à nos parents que moi et pendant ma jeunesse, j'avais parfois eu l'impression d'être marginale voire totalement folle. Heureusement que, même si certains de nos traits de caractères étaient diamétralement opposés et si nous réagissions souvent de façon totalement différente, la majorité de nos valeurs et de nos goûts convergeait. Le cas échéant, cohabiter sous le même toit pendant toutes ces années aurait été insupportable. D'ailleurs, je parierais au moins 500 dollars qu'il ne m'aurait pas échangée contre une sœur moins facétieuse mais écoutant Justin Bieber et Miley Cyrus à fond jusqu'à des heures indues!

- Tsss! Heureusement que j'étais là sinon vous seriez tous morts d'intoxication!